Section précédente 7. Traitement anticoagulant visant la fibrillation auriculaire Prochaine section 9. Prise en charge de la maladie artérielle carotidienne extracrânienne et de l’athérosclérose intracrânienne
Prévention secondaire de l’AVC

8. Prise en charge périopératoire du traitement anticoagulant et du traitement antiplaquettaire

7e édition – 2020 MISE À JOUR


Definitions

Type d’intervention chirurgicale et catégorie de risque d’hémorragie :

  • Les interventions chirurgicales dont le risque d’hémorragie est élevé comprennent les chirurgies abdominales lourdes (par exemple, la résection d’un cancer), les chirurgies thoraciques lourdes, les chirurgies orthopédiques lourdes et toute intervention chirurgicale cardiaque, vertébrale ou intracrânienne. Tout patient subissant une anesthésie neuraxiale est exposé à un risque élevé d’hémorragie en raison du risque d’hématome péridural rachidien qui pourrait entraîner une paralysie des membres.
  • Les interventions chirurgicales dont le risque d’hémorragie est faible à modéré comprennent la plupart des interventions qui prennent moins d’une heure et qui ne nécessitent pas d’anesthésie neuraxiale
  • Les interventions chirurgicales dont le risque d’hémorragie est minimal comprennent l’extraction de dents, le traitement de canal, la biopsie cutanée, la chirurgie de la cataracte et certaines coloscopies, qui ne nécessitent pas l’interruption du traitement anticoagulant. L’implantation d’un stimulateur cardiaque permanent ou d’un défibrillateur cardiaque interne, ainsi que le cathétérisme cardiaque, peuvent également être effectués sans interruption du traitement anticoagulant.

Pour en savoir plus, reportez-vous au guide actuel de Thrombose Canada et à son algorithme de prise en charge périopératoire du traitement anticoagulant.

 
Recommendations
  1. Les patients atteints de fibrillation auriculaire ou qui ont une valvule cardiaque mécanique et qui sont traités par anticoagulants par voie orale n’ont pas besoin d’arrêter la prise de ces médicaments au moment de subir une intervention qui représente un risque minimal d’hémorragie (p. ex., extraction de dents, biopsie cutanée, chirurgie de la cataracte, stimulateur cardiaque) [niveau de preuve B].

  2. Dans le cas des patients atteints de fibrillation auriculaire traitée par un anticoagulant oral direct (AOD) pour la prévention d’un AVC, et qui doivent temporairement interrompre ce traitement pour subir une intervention chirurgicale non urgente, la démarche suivante est recommandée [niveau de preuve B] :              

    1. Si l’intervention chirurgicale représente un risque d’hémorragie faible à modéré, il faut arrêter l’administration de l’AOD la veille et le jour même de l’intervention (c’est-à-dire sauter 2 jours en tout), et reprendre l’administration de l’AOD le lendemain de l’intervention.

    2. Si l’intervention chirurgicale représente un risque d’hémorragie élevé, il faut arrêter l’administration de l’AOD deux jours avant l’intervention, le jour de l’intervention et un jour après l’intervention (c’est-à-dire sauter 4 jours en tout). Remarque : Il existe un cas d’exception à cet égard, soit les patients prenant du dabigatran dont la fonction rénale est atteinte (ClCr < 50 ml/min). Dans leur cas, il est suggéré d’ajouter un ou deux jours d’interruption avant l’intervention. Pour en savoir plus, reportez-vous aux facteurs cliniques.

  3. Dans le cas des patients atteints de fibrillation auriculaire traitée à la warfarine pour la prévention d’un AVC et qui doivent temporairement interrompre leur traitement pour une intervention chirurgicale non urgente :             

    1. Pour ceux dont le risque d’AVC est faible à modéré (p. ex., score CHADS2 de 0 à 4), l’administration de warfarine doit être suspendue pendant 5 jours avant l’intervention, puis reprise au plus tard 24 heures après l’intervention, sans la remplacer par de l’héparine durant cette période [niveau de preuve A]. 

    2. Pour ceux dont le risque d’AVC est élevé (par exemple, score CHADS2 de 5 ou 6, ou antécédent d’AVC périopératoire), le remplacement de la warfarine par de l’héparine est suggéré pendant la période d’interruption, généralement sous la forme d’injections sous-cutanées d’héparine de faible poids moléculaire, deux fois par jour pendant 3 jours avant et 3 jours après l’opération ou intervention [niveau de preuve : B]. Si le remplacement de l’anticoagulant en période préopératoire a lieu, il est recommandé d’y renoncer en période postopératoire chez certains patients, en particulier ceux dont l’intervention représente un risque élevé d’hémorragie [niveau de preuve B]. Pour de plus amples renseignements, reportez-vous au guide actuel de Thrombose Canada et à son algorithme de prise en charge périopératoire des anticoagulants.

  4. Dans le cas des patients qui ont une valvule cardiaque mécanique, qui prennent de la warfarine en prévention d’un AVC et qui doivent temporairement interrompre leur traitement pour subir une intervention chirurgicale non urgente, il est recommandé d’arrêter l’administration de la warfarine 5 jours avant l’intervention et de la reprendre au plus tard 24 heures après [niveau de preuve A].   

    • Le remplacement temporaire par l’héparine est recommandé chez certains patients qui ont une prothèse valvulaire mitrale et chez les patients présentant un risque élevé et qui ont une prothèse valvulaire aortique (c.-à-d. qui présentent des facteurs de risque supplémentaires d’AVC) [niveau de preuve B]. 
    • Si l’agent anticoagulant est remplacé avant une intervention, il est recommandé d’y renoncer après celle-ci chez certains patients, notamment ceux dont l’intervention représente un risque élevé d’hémorragie [niveau de preuve B].
  5. Dans le cas des patients qui prennent de l’acide acétylsalicylique à titre de prévention d’un AVC et qui doivent subir une endartériectomie carotidienne ou un pontage aorto-coronarien, non urgent ou urgent (au cours des 7 prochains jours), il ne faut pas interrompre l’administration de l’acide acétylsalicylique [niveau de preuve B]. 
  6. Dans le cas des patients traités par un traitement antiplaquettaire à double modalité composée d’acide acétylsalicylique et d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 (p. ex., clopidogrel, ticagrelor) pour la prévention secondaire d’un AVC, et qui s’apprêtent à subir une endartériectomie carotidienne urgente (au cours des 7 prochains jours), il faut poursuivre l’administration d’acide acétylsalicylique et de l’inhibiteur du récepteur P2Y12 durant la période périopératoire [niveau de preuve C].
  7. La prise continue d’acide acétylsalicylique peut être envisagée avant une intervention dont le risque d’hémorragie est faible ou modéré chez les patients qui subissent un autre type d’intervention chirurgicale. Par ailleurs, l’interruption de l’administration d’acide acétylsalicylique peut être envisagée pendant 7 à 10 jours avant une intervention chirurgicale dont le risque d’hémorragie est élevé [niveau de preuve C].

 

Section 8 Facteurs cliniques
Prise en charge périopératoire des patients qui doivent subir une intervention représentant un risque d’hémorragie minimal
  1. Les patients qui doivent subir une intervention mineure qui ne représente qu’un risque d’hémorragie minimal (selon la définition ci-dessus) n’ont pas besoin d’arrêter systématiquement de prendre leurs anticoagulants. Il faut toutefois tenir compte de certains points dans la prise en charge de ces patients :           

    1. En fonction des caractéristiques individuelles du patient, les interventions qui représentent un risque minimal d’hémorragie peuvent à l’occasion être considérées comme ayant un risque plus élevé justifiant l’interruption du traitement anticoagulant (p. ex., l’extraction d’une dent chez un patient ayant une mauvaise dentition ou une chirurgie de la cataracte sous anesthésie rétrobulbaire).  

    2. Pour un patient traité par AOD qui doit subir une intervention dont le risque d’hémorragie est minimal, il est plus prudent de sauter la dose d’AOD du matin le jour de l’intervention, car le pic de l’effet anticoagulant est atteint une à trois heures après l’administration de l’AOD, ce qui pourrait coïncider avec le moment de l’intervention et accroître ainsi le risque d’hémorragie. 

    3. Dans le cas de l’implantation d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur cardioverteur implantable, le patient peut continuer de prendre de la warfarine, mais son RIN doit être inférieur à 3 au moment de l’intervention. 

    4. Dans le cas d’une coronarographie, il peut être déconseillé de maintenir l’administration des anticoagulants si l’artère fémorale est le point d’accès, les patients courant alors un risque accru d’hématome ou de faux anévrisme. 

    5. Pour la coloscopie, le traitement anticoagulant peut être poursuivi chez certains patients qui ne subiront probablement pas de polypectomie ni de biopsies multiples. 

    6. En prévision d’une intervention dentaire, le patient peut utiliser un bain de bouche à l’acide tranéxamique avant l’intervention, puis 2 à 3 fois par jour par la suite, en vue de réduire les saignements (qui, bien qu’ils soient sans conséquence notable du point de vue clinique, peuvent être désagréables pour le patient). 

Prise en charge périopératoire des patients qui doivent subir une intervention présentant un risque modéré ou élevé
  1. Un patient qui va subir une intervention chirurgicale dont le risque d’hémorragie est élevé peut arrêter l’administration d’AOD pendant seulement deux jours avant l’intervention, ce qui correspond à un intervalle de 60 à 68 heures entre la dernière dose d’AOD et le moment de procéder à l’intervention, ne laissant que peu ou pas d’effet anticoagulant résiduel durant l’intervention, la demi-vie des AOD durant 12 à 15 heures. 

  2. Si le patient doit subir une intervention chirurgicale dont le risque d’hémorragie est faible ou modéré, il ne doit pas prendre d’AOD pendant la journée qui précède l’intervention, ce qui correspond à un intervalle de 36 à 42 heures entre la dernière dose et l’intervention chirurgicale. 

  3. Tous les patients doivent s’abstenir de prendre un AOD le jour même de l’intervention chirurgicale. 

  4. Les patients sous dabigatran dont la fonction rénale est atteinte (clairance de la créatinine < 50 ml/min) font exception à cette règle. Étant donné que le dabigatran s’élimine surtout par les reins, il faut prévoir un intervalle d’interruption plus long (quatre jours avant une intervention dont le risque d’hémorragie est élevé; deux jours avant une intervention dont le risque d’hémorragie est faible ou modéré).   

  5. Un délai d’au moins 24 heures est requis avant la reprise de l’administration des AOD après une intervention chirurgicale dont le risque d’hémorragie est faible ou modéré, et 48 à 72 heures après une intervention chirurgicale dont le risque d’hémorragie est élevé.

  6. La prise en charge postopératoire du traitement aux AOD doit tenir compte de certains points : premièrement, l’intervalle de 48 à 72 heures de reprise du traitement peut être prolongé si le saignement postopératoire est plus abondant que prévu, une décision importante car le plein effet anticoagulant des AOD suit presque immédiatement la prise orale. Deuxièmement, chez les patients qui ne peuvent pas prendre de médicaments par voie orale et qui présentent un risque élevé de thromboembolie veineuse, une faible dose d’HBPM peut être administrée les premiers jours après l’intervention, soit jusqu’à trois jours postopératoires.

Tableau 8. Suggestion de prise en charge du traitement antiplaquettaire pour une intervention chirurgicale non urgente

Justification +-

La prise en charge périopératoire des patients traités par anticoagulants est un enjeu courant. Elle doit viser à réduire au minimum le risque d’AVC et d’autres accidents thromboemboliques, tout en réduisant le plus possible le risque d’une grave hémorragie d’importance clinique.  

Exigences pour le système +-
  1. Processus mis en place pour l’accès à une consultation préopératoire avant une intervention chirurgicale effractive visant à optimiser la sécurité du patient.
Indicateurs de rendement +-
  1. Pourcentage de personnes ayant des antécédents d’AVC sous antithrombotiques qui subissent un AVC périopératoire ou périprocédural.
  2. Durée médiane du séjour des personnes ayant des antécédents d’AVC sous antithrombotiques qui subissent un AVC périopératoire ou périprocédural comparativement aux mêmes profils de patients qui ne subissent d’AVC périopératoire.
Résumé des données probantes 2020 (en anglais uniquement) +-

Perioperative Management of Anticoagulant and Antiplatelet Therapy
Recommendations Evidence Table and Reference List 

Heparin bridging and warfarin interruption.

Heparin bridging is used in selected warfarin-treated patients and, typically, consists of giving a low-molecular-weight heparin (LMWH), such as enoxaparin 1 mg/kg BID or dalteparin 100 IU/kg BID, for 3 days before a surgery, during warfarin interruption. The premise of heparin bridging is that it shortens the time around the surgery that patients are not fully anticoagulated, while warfarin is interrupted and resumed, with the aim of mitigating the risk for stroke and systemic embolism. 

In patients with atrial fibrillation who are receiving warfarin, there is evidence from the BRIDGE trial that heparin bridging had no effect on preventing arterial thromboembolism but increased the risk for major bleeding. Rates of arterial thromboembolism were 0.3% and 0.4% in patients who were bridged and not bridged, but rates of major bleeding were significantly higher in patients who were bridged: 3.2% vs. 1.3%. One caveat to the study findings is that heparin bridging might be considered in selected high-risk patients, including those with a CHADS2 score of 5-6 or those who have had perioperative thromboembolism during prior interruption of warfarin. In patients with a mechanical heart valve who require warfarin interruption, heparin bridging is suggested, especially in patients with a mitral valve prosthesis or any older tilting disc or caged-ball prosthesis. However, in selected patients, especially those having a high-bleed-risk surgery or procedure, we suggest omitting post-operative heparin bridging. Preoperative INR testing is not routinely needed but can be done in patients having a high-bleed-risk surgery or neuraxial anesthesia. An INR >1.5 on the day before the surgery can be managed by giving 1-2 mg oral vitamin K. After surgery, INR testing can be done in patients who are receiving heparin bridging can be stopped once the INR is >2.0. 

Perioperative management of DOAC therapy

In DOAC-treated patients who require treatment interruption for an elective surgery or procedure, patient management is based on the estimated bleed risk associated with the surgery or procedure. Thromboembolic risk is less of a concern because the duration of anticoagulant interruption is short as DOACs have a rapid offset and onset of action. Perioperative heparin bridging and coagulation function testing are not routinely needed for perioperative DOAC management. There are selected patients in whom low-dose LWWH can be used after surgery, typically if they are at increased risk for venous thromboembolism and cannot take their DOAC medication by mouth. 

Postoperative management of DOAC therapy

Postoperative resumption of DOACs should mirror preoperative interruption, so as to wait at least 24 hours after a low/moderate-bleed-risk surgery or procedure and 48-72 hours after a high-bleed-risk surgery or procedure. This approach was assessed in a prospective study, PAUSE, which studied 3,007 DOAC-treated patients (1,257 on apixaban, 668 on dabigatran and 1,082 on rivaroxaban) who required an elective surgery or procedure. The strategy of standardized DOAC interruption and resumption, no perioperative bridging and no preoperative coagulation function testing appeared safe as the 30-day postoperative rates of arterial thromboembolism, and major bleeding were <1% and <2%, respectively. 

In summary, a quick way to remember perioperative DOAC management for an elective surgery or procedure is: “1 day off before and after a low/moderate-bleed-risk procedure and 2 days off before and after a high-bleed-risk procedure”.

Perioperative management of antiplatelet therapy

The perioperative management of patients receiving antiplatelet therapy such as acetylsalicylic acid, clopidogrel or both, and require an elective surgery/procedure is common because of the widespread use of these drugs for the secondary prevention of stroke and myocardial ischemia. The aim of perioperative antiplatelet management is to minimize the risk of stroke and myocardial ischemia while simultaneously mitigating the risk of bleeding which, if it occurs, can lead to prolonged antiplatelet interruption that, in turn, may increase the risk for stroke or cardiovascular events. 

Most antiplatelet drugs (acetylsalicylic acid, clopidogrel, prasugrel) irreversibly inhibit platelet function for the lifespan of the platelet, which is 7-10 days. Consequently, platelet function is restored by 10-15% for each day such agents are interrupted. Ticagrelor reversibly inhibits platelets and, consequently, normalization of platelet function occurs within 2-3 days after interruption. Dipyridamole, a pyridopyridamine derivative with antiplatelet and anticoagulant properties and a half-life of 8 hours, has reversible antiplatelet effects but when it is combined with acetylsalicylic acid for secondary stroke prevention, this reversibility is nullified. There are few high-quality randomized trials to inform perioperative antiplatelet management and these studies have focused on patients who are receiving acetylsalicylic acid alone. Studies assessing patients who are receiving acetylsalicylic acid and a P2Y12 inhibitor and require an elective surgery are mainly retrospective studies.

Taken together, these studies suggest that in patients taking acetylsalicylic acid who need non-cardiac surgery, acetylsalicylic acid should be continued perioperatively in selected patients at increased risk for cardiovascular events, such as those with a prior stroke or coronary stent. Caution is warranted when continuing ASA without interruption in patients undergoing a high-bleed-risk surgery/procedure.

For patients taking acetylsalicylic acid who need coronary artery bypass or carotid artery surgery, acetylsalicylic acid is continued perioperatively. If a patient is also taking a P2Y12 inhibitor, this is typically interrupted for 5 days before coronary artery bypass surgery and 7 days before other non-cardiac surgery. For patients taking acetylsalicylic acid and a P2Y12 inhibitor who need urgent carotid artery surgery, typically within 1-2 weeks of a stroke syndrome, there is limited evidence from retrospective studies suggesting benefit with continuing both antiplatelet agents but with an associated increase in perioperative bleeding. In such patient’s pre-operative discussion with the surgeon of the benefits and risks of this management is advisable. 

Sex and Gender Considerations

No studies were found that address sex and gender differences on this topic.



Ressources AVC